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C’est indéniable mes amis, le noir est blanc sublime tout, la musique est langage universel et la parole est d’or.

Mes petits yeux affamés de nouveauté se réjouissaient d’aller voir ce film porté par une magnifique affiche avec la tête de vainqueur de Jean Dujardin.

Pour entamer ce voyage en noir et blanc, l’affiche donc. Comme pour les vieux films, une lumière soulignant à peine les protagonistes pimpants à souhait, la petite note de rouge pour attirer le spectateur comme un taureau. Bingo ça a marché pour moi.

Au premier son, c’est tout le cinéma muet qui refait surface. Et c’est ici quema phrase « la musique est langage universel » prend tout son sens. Tour de maître de la part du compositeur, Ludovic Bource, de faire passer autant de sentiments par le jazzy et la puissance de ces compositions. Oui certes le cinéma muet existait déjà, c’est aussi pour cette raison que le film vaut le détour, ne serait-ce que pour la performance artistique (bien que la performance scénaristique valle le détour aussi, j’y reviendrai plus tard). Il me semblait top facile de ne faire qu’un film muet reprenant les codes du genre (qui m’est inconnu pour l’instant, je l’avoue), il était aisé de séduire le public simplement par l’audace du défi et de délaisser le détail. Heureusement ce n’est pas le cas. Ici, l’orchestration transporte vraiment les sentiments et la complexité des émotions s’entend, s’écoute.  Hélas, cette qualité est devenue un défaut pour moi. Quand le film se dramatise et que la musique suit le mouvement, je me perd et n’adhère plus à ce que je vois. La musique adoucit les mœurs, la musique classique m’endort. J’ai ainsi perdu une partie du film car je déconnectais totalement du propos, n’arrivant plus à savourer l’image léchée qui défilait sous mes yeux. Pour les amateurs ou les aficionados de musique classique et jazzy, je crois qu’ils y trouveront leur compte sans trop de peine et sauront capter les sous-entendus et pénétrer d’autres profondeurs que moi. Pour ma part, je n’avais que mes yeux pour lire sur les lèvres, lire les uniques phrases qui jalonnaient le film (vous voyez, ces mignons interludes littéraires au cadre blanc résumant les dialogues) et finir par penser que pour moi, la parole est d’or.

Pas que pour moi d’ailleurs. George Valentin, figure de proue de Kinograph, studio de cinéma muet, c’est une étoile montante qui brille encore et encore, ses films se dévorent, il est beau, il fait rire avec son chien dressé, il tourne film sur film et séduit le tout Hollywood. Il n’a pas besoin de parler pour réussir. Peppy Miller, rayonnante, fan en délire, mignonne comme un cœur dans sa robe blanche façon Charleston. Voici les deux personnages. Valentin (à dire à l’anglaise sinon c’est pas joli) par attirance pour la pétillante Miller (arriviste à qui on donnerait le bon dieu sans confession) l’aide à faire ses pas dans le cinéma muet, lui offre une petite mouche au coin de la lèvre supérieur mais surtout son ticket pour la célébrité. Par talent, par charme, grâce à la mouche (je vous en prie, n’imaginez pas une mouche à 4 ailes volante et bourdonnante mais bien un point noir comme au 17ème siècle), elle grimpe les marches de la célébrité comme un stagiaire grimperait les marches d’une société. D’abord figurante auprès de Valentin, puis seule, puis servante, puis tête d’affiche. Elle fait le bonheur de Kinograph. Alors qu’elle grimpe, Valentin dégringole. C’est d’un triste, la vieillesse muette qui se tait et s’efface devant la jeunesse sonnante et parlante.  C’est l’histoire de deux personnes et surtout, ce que je retiens le plus, c’est le passage du muet au parlant.

C’est avec ce point que je n’ai pas crié à l’arnaque cinématographique, de ces films qui misent tout sur le concept novateur sans creuser le sujet. Le tour de force de Michel Hazanavicius est de nous plonger dans un  Hollywood des années 20, de nous faire gouter au charme désuet du noir et blanc ( bien échu celui là, Bérénice Béjo est admirable mais ses habits bling bling poil de chèvre lustrée et bonnet de bain en strass, non merci…la couleur nous a été épargnée, j’ai chéri le noir et blanc pour le coup), de nous faire reprendre gout au cinéma tout en traitant sa fin, tout en nous montrant les premiers pas du cinéma que nous connaissons, le tout surplombé par le progrès qui fait avancer mais qui peut aussi faire dévaler les pentes de la gloire.

Valentin refusera le parlant, il refusera la parole ce qui lui fera perdre et son travail (et de ce fait une belle liasse de billets), et le succès, et sa femme (je la comprends, voir son cher et tendre fricoter avec le succès et la Peppy Miller sans dire mots, je n’aurais pu supporter plus).

La parole est d’or (d’argent, de billets, de flouze, de pèze, de frics…)…

Enfin, nous aurons quand même droit à notre happy end, sympathique happy end. Cependant je ne suis jamais fan du happy end. Le film aurait gagné ses lettres de noblesse avec moi sans cela.

En résumé, The Artist, c’est un film américain avec une volée de tête célèbre, une histoire à l’ancienne (j’ai lu quelque part, une photographie à l’ancienne, une BO sensationnelle, un chien à croquer, des habits top classe, bourré de références pour les cinéphiles accomplis (pour le coup, je ne peux que faire un lien infime avec Sin City qui jouait sur le noir et blanc et encore. Si c’est juste pour étaler les films que j’ai vu, ca ne vaut vraiment pas la peine), où Bérénice Béjot est radieuse, où les larmes sont jolies.

The Artist est un pari réussi.

Elodie Kempenaer.

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